Fatigue, isolement, repas évités... Et si c’était plus qu’un coup de mou ?
Le football, même chez les jeunes, peut devenir un terrain propice aux déséquilibres alimentaires. Entre les entraînements, la pression des résultats, l’image du corps véhiculée sur les réseaux sociaux et parfois les exigences de certains clubs, les comportements à risque apparaissent plus tôt qu’on ne le pense.
Chez les adolescents sportifs, la recherche montre que 12 à 20 % des filles et 3 à 8 % des garçons présentent des troubles alimentaires à un moment de leur développement.
Dans certains cas, les parents sont les premiers à pouvoir repérer un changement de comportement avant même les entraîneurs ou les médecins.
Cet article propose des repères simples pour mieux comprendre les signes d’alerte, les bons réflexes à adopter et les ressources à mobiliser, sans dramatiser ni minimiser.
Pourquoi s’en préoccuper ?
Les troubles alimentaires ne concernent pas que les mannequins ou les sportifs de haut niveau.
Dans le football amateur et en centre de formation, ces problématiques apparaissent de plus en plus tôt.
L’étude menée par la FIFPRO révèle que 1 joueuse professionnelle sur 5 déclare avoir souffert de désordres alimentaires au cours des 12 derniers mois. Chez les adolescents en parcours sportif, la prévalence atteint jusqu’à 20% chez les filles et 8% chez les garçons, selon les données croisées de l’Unisanté et de la Fédération Française d’Anorexie Boulimie (FFAB).
Ces chiffres ne sont pas anecdotiques. Derrière une obsession apparente pour la performance ou le "poids de forme", peuvent se cacher des mécanismes restrictifs dangereux : sauter des repas, culpabiliser après avoir mangé, compenser par une activité physique excessive...
Au-delà de l’impact psychologique, les conséquences physiques sont immédiates :
- Baisse d’énergie à l’entraînement et en match,
- Perte de masse musculaire et fragilité articulaire,
- Risque accru de blessures (notamment ligamentaires chez les filles),
- Retard pubertaire ou aménorrhée,
- Troubles de la concentration et chute des résultats scolaires.
Sans soutien rapide, ces comportements peuvent évoluer vers de véritables troubles du comportement alimentaire (TCA), nécessitant une prise en charge médicale.
Les signes d’alerte à surveiller
Il n’est pas toujours facile de distinguer une préoccupation passagère liée à l’alimentation d’un début de trouble réel.
Voici les trois grands types de signaux à observer chez un jeune footballeur ou une jeune footballeuse.
Changements alimentaires
- Refus soudain de certains aliments jusque-là appréciés
- Suppression des féculents, produits sucrés ou matières grasses
- Pratique excessive du « compte-calories »
- Prétextes pour éviter les repas en famille ou à la cantine
- Comportement d’évitement ou de culpabilité autour de la nourriture
Signes physiques
- Perte ou prise de poids rapide sans explication médicale
- Fatigue anormale malgré un rythme d’entraînement stable
- Blessures fréquentes ou récupération plus lente
- Hyperactivité (footing seul·e après un entraînement collectif, gainage compulsif)
- Chez les filles : arrêt des règles ou puberté ralentie
Changements émotionnels ou sociaux
- Isolement progressif, baisse d’intérêt pour les sorties
- Irritabilité, tristesse inexpliquée, crises de larmes
- Discours très centré sur le corps ou la performance
- Diminution de l’estime de soi
- Repli sur soi, perte de motivation scolaire
Evidemment, un seul de ces signes ne suffit pas à poser un diagnostic, mais leur accumulation ou persistance doit alerter.
Prévenir à la maison et au club
La prévention des troubles alimentaires ne passe pas par la surveillance constante, mais par la création d’un environnement stable, rassurant et cohérent.
Créer un climat alimentaire sain à la maison 🏠
- Valoriser les repas partagés, sans jugement ni tension
- Parler de l’alimentation comme d’un carburant pour bien jouer, pas comme d’un outil pour « garder la ligne »
- Éviter les commentaires sur le poids ou l’apparence, même positifs
- Complimenter les efforts, la progression, le comportement — plutôt que l’esthétique ou le résultat
Proposer une alimentation adaptée au jeune footballeur 🍽️
Avant un entraînement ou un match (2 à 3h avant) :
- Féculents (pâtes, riz, pain)
- Protéines maigres (poulet, œufs)
- Légumes ou crudités
- Eau en quantité suffisante
Après l’effort :
- Collation rapide (fruit, barre de céréales, yaourt)
- Hydratation renforcée
Le petit-déjeuner reste essentiel, surtout les jours d’effort.
Il doit comporter au moins un produit céréalier, un produit laitier, un fruit et une boisson.
Maintenir une communication ouverte 🗣️
- Demander régulièrement comment l’enfant se sent physiquement et moralement
- Être à l’écoute sans minimiser ni dramatiser
- Encourager le dialogue sur les relations au club, la pression ressentie ou les éventuelles comparaisons avec les autres
Collaborer avec l’encadrement sportif ⚽
- Prendre contact avec l’éducateur principal, au moins une fois par saison
- Vérifier que le club respecte les principes de progressivité, diversité des exercices et temps de récupération
- S’informer sur la philosophie nutritionnelle du club
- Alerter en cas de changements de comportement persistants
Que faire en cas de doute ?
🚨 Réagir sans paniquer
L’apparition de signes inquiétants ne signifie pas forcément un trouble grave, mais il est essentiel de ne pas attendre.
Plus la prise en charge est précoce, plus les chances de rétablissement sont élevées.
👨⚕️ Consulter les bons professionnels
- Médecin traitant : premier point de contact, capable de poser un diagnostic initial ou d’orienter vers un spécialiste
- Pédiatre ou médecin du sport : notamment en cas de troubles hormonaux ou de perte de poids marquée
- Psychologue ou pédopsychiatre : pour un soutien émotionnel, même si l’enfant n’a pas encore verbalisé de mal-être
- Nutritionniste du sport : pour rééquilibrer l’alimentation sans créer de rejet ni culpabilité
🤝 S’appuyer sur les structures d’aide
- Ligne d’écoute de la FIFPRO (anglophone, joueurs/joueuses pros) : 07500 000 777
- Fil Santé Jeunes : 0 800 235 236 (anonyme et gratuit, 7j/7, 9h-23h)
- Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB) : documentation, forums, annuaire de spécialistes
- Services d’accompagnement locaux (psychologues scolaires, infirmiers scolaires, réseaux TCA)
❤️ Adopter les bons gestes au quotidien
- Éviter les remarques culpabilisantes : « tu fais n’importe quoi », « tu gâches ta carrière »
- Exprimer un soutien clair mais sans excès pour autant : « je suis là pour toi », « tu n’as rien à prouver »
- Adapter les repas familiaux sans stigmatiser : tous mangent ensemble, sans focalisation sur les quantités
- Accepter un certain temps d’adaptation : la guérison n’est jamais linéaire
Messages clés à retenir
📌 Pour les parents
- Votre enfant n’est pas un(e) professionnel(le) en miniature : il ou elle a le droit de ne pas toujours être performant(e).
- Ne confondez pas rigueur et rigidité : imposer une discipline alimentaire stricte peut créer plus de mal que de bien.
- Votre regard et vos mots comptent : valorisez les efforts, l’écoute du corps et le plaisir de jouer.
- Vous êtes un repère : votre présence bienveillante (sincère, et non toxique) est souvent plus utile qu’un conseil trop technique.
📌 Pour les jeunes footballeurs et footballeuses
- Bien manger t’aide à mieux jouer, pas à te conformer à une image.
- Ton corps change pendant l’adolescence, c’est normal et sain.
- Tu as le droit de demander de l’aide, à tes parents, ton entraîneur, un(e) adulte de confiance.
- Le football reste un jeu : ton bien-être passe avant les performances.
Prévenir les troubles alimentaires chez les jeunes footballeurs, ce n’est pas freiner leur passion, c’est protéger leur équilibre à un moment clé de leur développement.
Parents et clubs partagent cette responsabilité : en valorisant l’écoute, la progression et le plaisir de jouer, ils créent un cadre favorable à la santé physique et mentale.
Rester vigilant ne signifie pas surveiller, mais accompagner avec attention — pour que le terrain reste un lieu d’épanouissement, pas de pression invisible.