Sport scolaire : la France peut-elle vraiment rivaliser avec les meilleurs ?
Le sport à l’école est plus qu’une simple activité physique pour remplir l'emploi du temps : c’est un levier important pour la santé, le bien-être mental et le développement des jeunes.
Pourtant, en France, la question du temps consacré au sport dans les établissements scolaires reste un sujet sensible. La récente critique du nageur Léon Marchand à l’encontre du gouvernement Macron, après l’abandon de la généralisation des deux heures supplémentaires de sport hebdomadaires au collège, a rappelé ici aussi les lacunes du système français.
Pendant ce temps, d’autres pays montrent l’exemple avec des politiques éducatives bien plus ambitieuses. Dans cet article, nous analysons où en est la France, pourquoi elle est à la traîne et ce qu’elle pourrait apprendre des modèles étrangers.
La situation actuelle en France : des ambitions (comme trop souvent) revues à la baisse
Les heures de sport à l'école
En France, le temps dédié au sport à l’école est limité et souvent jugé insuffisant :
- École primaire : environ 3 heures hebdomadaires, généralement réparties en deux séances.
- Collège et lycée : entre 3 et 4 heures par semaine, selon les niveaux et les filières.
Ces heures incluent l’EPS (Éducation Physique et Sportive), une discipline obligatoire intégrée aux programmes scolaires.
Depuis septembre 2022, un dispositif prévoit que les élèves des écoles primaires pratiquent une demi-heure de sport quotidiennement, conformément à une promesse d’Emmanuel Macron lors de sa seconde campagne présidentielle. Le président ambitionnait alors de faire de la France une véritable « nation sportive ». En réalité, ce projet intervient dans un contexte alarmant : 17 % des enfants français souffrent de surpoids, et leurs capacités cardiovasculaires auraient chuté de 25 % en 40 ans, selon plusieurs études.
Récemment, la promesse d’ajouter deux heures hebdomadaires dans tous les collèges d’ici 2026, annoncée par Emmanuel Macron avant les JO de Paris, vient déjà d'être abandonnée. Le projet sera finalement limité aux établissements REP et REP+, où les taux de pratique sportive sont les plus faibles.
Les freins au développement du sport scolaire
Le ministère de l'Éducation nationale a justifié ce recul par plusieurs facteurs :
- Manque de moyens financiers et humains : le coût de cette réforme a été jugé insoutenable.
- Pression académique : le sport est souvent relégué au second plan, derrière des matières jugées plus "fondamentales" comme les mathématiques et le français.
- Infrastructures insuffisantes : de nombreux établissements, notamment dans les zones rurales, ne disposent pas de gymnases ou d’installations sportives adaptées.
Des bases solides mais des marges de progression
Si la France ne figure pas toujours en tête des classements internationaux, elle peut néanmoins se prévaloir de bases solides en matière d’éducation sportive.
Avec 108 heures par an dédiées à l’éducation physique dans le primaire et le secondaire, elle se situe parmi les pays européens les plus généreux en termes de temps alloué au sport scolaire. Ce volume horaire reste stable tout au long de la scolarité, ce qui est un atout par rapport à d’autres pays où les heures diminuent avec l’âge.
De plus, la France bénéficie d’un réseau étendu de clubs sportifs et d’associations, qui complètent efficacement les cours d’EPS. Cette synergie entre école et activités extra-scolaires permet à de nombreux jeunes de développer des compétences sportives et de favoriser la socialisation et la santé.
Toutefois, des efforts restent nécessaires pour réduire les inégalités territoriales et renforcer l’accès aux infrastructures, notamment dans les zones rurales et les quartiers défavorisés.
Une urgence mondiale : 80 % des adolescents insuffisamment actifs
Selon une analyse publiée dans The Lancet Child & Adolescent Health et réalisée par l'OMS, plus de 80% des adolescents âgés de 11 à 17 ans dans le monde ne pratiquent pas assez d'activité physique pour répondre aux recommandations de santé. En 2016, 84,7% des filles et 77,6% des garçons étaient insuffisamment actifs, avec des écarts significatifs selon les régions et les sexes. Ces données, issues de 298 enquêtes couvrant 146 pays et portant sur 1,6 million de jeunes, révèlent que les adolescents ne pratiquent pas les 60 minutes quotidiennes d'activité physique modérée à intense recommandées.
Les conséquences sont préoccupantes : ce manque d'activité physique affecte la santé cardiorespiratoire et musculaire, le développement cognitif, ainsi que la socialisation des jeunes.
L'écart entre filles et garçons est particulièrement marqué, avec des taux d'inactivité supérieurs à 90 % pour les filles dans 27 pays. Parmi les régions les plus touchées figurent l'Asie-Pacifique et l'Afrique subsaharienne, où la prévalence de l'inactivité dépasse 80 % pour les deux sexes.
Bouger plus à l’école : la clé du bien-être des élèves
Impact sur la santé physique et mentale
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les enfants et adolescents devraient pratiquer au moins 60 minutes d’activité physique par jour. En France, cette recommandation est loin d’être atteinte pour une grande partie des élèves.
Le manque d’activité physique a des conséquences directes sur leur santé :
- Obésité infantile : 17 % des enfants français sont en surpoids, un chiffre en hausse constante.
- Stress scolaire : le sport favorise la libération d’endorphines, réduisant ainsi le stress lié aux études.
Développement des compétences transversales
Le sport scolaire ne se limite pas à l’éducation physique : il inculque des valeurs essentielles telles que la résilience, la confiance en soi, l’esprit d’équipe et le respect des règles. Ces compétences sont tout aussi importantes pour la réussite future des élèves, tant sur le plan personnel que professionnel.
Tour du monde en 5 étapes de l'éducation sportive
La Finlande et l'importance des pauses actives
En Finlande, les élèves consacrent environ 1h30 par semaine au sport scolaire formel, soit 57 heures par an, ce qui est modeste comparé à d’autres pays. Cependant, le pays compense avec des pauses actives de 15 minutes chaque heure, favorisant une activité physique régulière tout au long de la journée. Cette approche novatrice améliore leur concentration et leur bien-être global.
La Hongrie : un modèle européen ambitieux
La Hongrie se distingue par un volume horaire élevé d’éducation physique, atteignant jusqu’à 81 heures par an au primaire et 67 heures au secondaire, soit plus de 2 heures hebdomadaires en moyenne. Les écoles intègrent des programmes obligatoires et mettent un accent particulier sur les sports collectifs et les exercices de gymnastique, considérés comme essentiels pour le développement des jeunes.
L'Australie : un modèle intégratif
Avec 3 à 5 heures hebdomadaires obligatoires, l’Australie place l’éducation physique au cœur de son système scolaire.
Les programmes visent à promouvoir la santé et la socialisation, tout en impliquant activement les élèves dans des activités extrascolaires grâce à des infrastructures accessibles et des partenariats avec des clubs locaux.
Le Japon : une approche mixte entre scolaire et extrascolaire
Au Japon, les élèves suivent environ 3 à 4 heures de sport par semaine au primaire et au secondaire. Cependant, le système repose fortement sur les clubs sportifs parascolaires (bukatsu), où environ 60% des élèves participent régulièrement à des activités physiques. Ces clubs, très ancrés dans la culture éducative japonaise, jouent un rôle central pour compléter les heures officielles et inculquer des valeurs de discipline et de travail d’équipe.
L'Islande : un modèle d'accès universel au sport et de bien-être global
L’Islande se distingue par une politique éducative et sportive particulièrement inclusive, favorisant l’activité physique dès le plus jeune âge. Les élèves islandais bénéficient de programmes d’éducation physique bien structurés au sein des écoles, complétés par un accès quasi universel à des infrastructures sportives modernes, même dans les zones rurales.
Cette approche ne se limite pas à l’activité physique : les données montrent que l’Islande est en tête du classement qui combine l'activité physique et satisfaction à l’égard de la vie.
Cela reflète une philosophie éducative où le sport joue un rôle clé dans l’équilibre entre la santé physique et mentale. En encourageant une pratique sportive régulière et accessible, le pays parvient à cultiver un fort sentiment de bien-être chez ses jeunes.
En plus des heures formelles d’éducation physique, l’Islande soutient les activités parascolaires grâce à des subventions gouvernementales, et rend les clubs sportifs accessibles à tous. Cette initiative garantit que chaque enfant, quel que soit son milieu socio-économique, puisse s’épanouir par le sport.
L'activité physique hors des heures de cours
En plus des cours d'éducation physique formels, la pratique d'activités physiques avant et après l'école offre une perspective complémentaire pour analyser l'engagement des élèves dans le sport.
Les champions de l’activité matinale
Certains pays se démarquent par une forte proportion d'élèves pratiquant une activité physique avant la journée scolaire, ce qui reflète des habitudes de vie bien ancrées. Parmi eux :
- Monténégro : Avec un pourcentage significatif d'élèves actifs avant les cours, ce pays montre une mobilisation matinale exemplaire.
- Irlande, Russie, et Turquie : Ces pays favorisent une activité physique régulière avant l'école, grâce à des politiques éducatives et sociales qui valorisent un mode de vie actif.
Les leaders de l’activité après l’école
La fin de journée est souvent propice à l’engagement dans des activités physiques, notamment grâce à la disponibilité d’installations sportives et à une culture sportive dynamique.
Les pays en tête dans ce domaine sont :
- Monténégro : Encore une fois en tête, ce pays montre une continuité exemplaire entre les périodes avant et après l’école, et démontre - à son échelle - une approche cohérente et globale de l’activité physique.
- Irlande, Pays-Bas et République Slovaque : Ces pays maintiennent un fort engagement des élèves après les cours, grâce à des initiatives locales et nationales qui soutiennent l’accès au sport et aux loisirs actifs.
Les défis pour la France 🇫🇷
Revaloriser le sport dans l'éducation
Pour raccrocher avec ces pays, la France doit revoir ses priorités éducatives. Cela passe par :
- Investir dans les infrastructures : équiper chaque établissement scolaire de gymnases modernes et polyvalents. La France se sait ici en retard.
- Former davantage d’enseignants spécialisés : les besoins en professeurs d’EPS qualifiés sont criants.
- Encourager et appuyer la pratique extrascolaire : en facilitant l’accès aux clubs sportifs locaux pour les jeunes issus de milieux modestes. Le Pass Sport est une initiative notable mais limitée sur ce terrain. On sait par ailleurs que faire de l’exercice à l’école peut amener les élèves à apprécier davantage le sport et donc à adhérer à une pratique extra-scolaire.
Intégrer le sport dans les politiques publiques
Le sport doit être vu comme un investissement stratégique pour la santé publique, et non comme une dépense optionnelle. Des partenariats entre le ministère de l’Éducation, les collectivités locales et les associations sportives pourraient permettre de surmonter efficacement les obstacles budgétaires.
Avec des politiques adaptées, la France pourrait se hisser parmi les pays leaders en matière d’éducation sportive.
Le tour d’horizon des pratiques mondiales montre que chaque pays développe des approches singulières pour intégrer le sport à l’école et en dehors. Des pauses actives en Finlande à l’omniprésence des clubs parascolaires au Japon, en passant par les initiatives ambitieuses de la Hongrie et de l’Islande, les modèles varient mais convergent vers un même objectif : encourager une activité physique régulière pour améliorer la santé et le bien-être des élèves.
La France, avec ses bases solides, se situe parmi les pays les plus généreux en termes de temps alloué à l’éducation physique, mais elle doit encore combler certaines lacunes. Une meilleure accessibilité aux infrastructures et des initiatives adaptées aux spécificités locales permettraient d’optimiser les effets bénéfiques du sport sur la santé physique, mentale et sociale des jeunes.
Enfin, l’analyse des habitudes hors des heures de cours, qu’il s’agisse d’activité avant ou après l’école, montre qu’il est possible d’impliquer davantage les élèves dans des routines sportives quotidiennes. Des exemples comme le Monténégro ou l’Irlande illustrent que des politiques éducatives cohérentes peuvent créer un environnement favorable à une pratique sportive durable.
Alors que le sport est un levier puissant pour l’épanouissement des jeunes, il revient aux décideurs, éducateurs et familles de s’unir pour faire du Sport un pilier de l’éducation en France.