Pubalgie : 7 erreurs qui transforment une gêne en cauchemar

Dans le football, certaines douleurs paraissent d’abord anodines. Une petite gêne à l’aine, un tir un peu forcé, un échauffement écourté... et la semaine suivante, tout empire.
C’est souvent ainsi que commence la pubalgie, cette blessure insidieuse qui peut mettre un joueur sur la touche pendant des mois.

Début novembre 2025, Franco Mastantuono, le jeune prodige argentin du Real Madrid (18 ans), en a fait la douloureuse expérience. Victime d’une pubalgie confirmée par le staff médical du club, il a dû déclarer forfait pour le déplacement décisif à Liverpool en Ligue des Champions.

La pubalgie représente aujourd’hui près de 15% des blessures liées à la pratique du football, selon plusieurs études internationales. Elle touche tous les niveaux, des centres de formation aux équipes professionnelles.
La douleur n’est pas toujours spectaculaire, mais ses conséquences peuvent l’être : arrêts prolongés, rechutes, voire fin de carrière prématurée si le traitement est mal conduit.
Pourtant, la majorité des cas pourraient être évités ou mieux gérés et comprendre les erreurs les plus fréquentes, c’est déjà commencer à se protéger d'un potentiel cauchemar.

Erreur n°1 : Jouer malgré la douleur

C’est la plus fréquente, la plus évidente et aussi la plus dangereuse.
Chez les footballeurs, la douleur à l’aine est souvent prise à la légère. On serre les dents, on termine la séance, on "voit demain". Le problème, c’est que la pubalgie ne disparaît jamais par magie.

Ce type de douleur correspond rarement à une simple contracture : c’est le signe d’un déséquilibre musculaire profond entre les adducteurs (face interne de la cuisse) et les abdominaux. À force de forcer, on provoque des microtraumatismes répétés sur la symphyse pubienne, qui s’enflamme et devient douloureuse à chaque mouvement explosif.

Selon une étude brésilienne menée sur 245 athlètes, plus de la moitié des joueurs atteints de pubalgie ont attendu plus de six mois avant d’obtenir un diagnostic précis. Et, une inflammation aiguë devient une lésion chronique, beaucoup plus longue à soigner.

En réalité, chaque frappe ou sprint douloureux retarde la guérison. Dès les premiers tiraillements, réduire les charges, adapter l’entraînement et consulter un kinésithérapeute du sport permet souvent d’éviter plusieurs mois d’arrêt.

Erreur n°2 : Ne pas équilibrer abdos et adducteurs

Le football crée naturellement des déséquilibres.
Les frappes, les appuis, les changements de direction sollicitent énormément les adducteurs, tandis que la sangle abdominale, souvent négligée, se retrouve trop faible pour stabiliser le bassin. Il en résulte fort logiquement un tirage permanent entre le haut (abdos) et le bas (adducteurs).

Le pubis devient alors un point de tension chronique, au centre d’un véritable bras de fer musculaire.
Les études montrent qu’un joueur dont le ratio de force adducteurs/abducteurs est inférieur à 80% a 17 fois plus de risques de développer une pubalgie.

➡️ Ce qu’il faut faire :

  • Intégrer 2 à 3 séances de renforcement ciblé par semaine.
  • Travailler le transverse et les obliques (gainage dynamique, relevés de bassin, rotations contrôlées).
  • Ne pas négliger les fessiers et les rotateurs externes, garants de la stabilité du bassin.

Erreur n°3 : Zapper les exercices de prévention (comme le “Copenhagen”)

Beaucoup de joueurs ne les connaissent pas, d’autres les trouvent trop difficiles, et pourtant...
Le Copenhagen Adduction Exercise (CAE) est aujourd’hui le protocole le plus validé scientifiquement pour prévenir les douleurs de l’aine.

Le joueur, en appui latéral, soutient son poids avec l’avant-bras et un partenaire qui tient sa jambe supérieure.
L’objectif est de renforcer les adducteurs en contraction excentrique, c’est-à-dire lorsqu’ils s’allongent sous tension et c'est bien là la clé pour les protéger des traumatismes répétés.

Une étude publiée dans le British Journal of Sports Medicine a montré que ce simple exercice réduit de 41% le risque de pubalgie chez les footballeurs adolescents.
Mieux encore, lorsqu’il est combiné à l’exercice “Nordic Hamstring”, il diminue aussi les blessures aux ischios.

➡️ Recommandation terrain :

  • 2 séances par semaine.
  • 2 à 3 séries de 8 à 10 répétitions par jambe.
  • Pas de douleur > 3/10 sur l’échelle subjective.

C’est un effort exigeant, mais le rapport bénéfice/temps est imbattable : moins de 10 minutes par séance pour renforcer une zone cruciale dans la prévention des blessures.

Erreur n°4 : Négliger la mobilité de hanche

Une hanche raide, c’est le début de tous les problèmes.
Quand la mobilité est réduite, les muscles compensent, surtout les adducteurs et les abdominaux. Le bassin perd sa stabilité, les contraintes augmentent au niveau du pubis... et la pubalgie s’installe.

Les études biomécaniques montrent que les footballeurs présentant une mobilité de hanche limitée et une raideur de la chaîne postérieure sont significativement plus à risque de développer une douleur inguino-pubienne.
Les mouvements typiques du foot (frappe, pivot, tacle, sprint) deviennent alors plus traumatisants pour la symphyse pubienne.

➡️ Ce qu’il faut faire :

1. Routine mobilité de 10 minutes avant chaque séance :

  • Étirement du psoas (fente avant, bassin rétroversé),
  • Étirement des adducteurs (grenouille au sol),
  • Mobilité de hanche (rotation externe/interne contrôlée).

2. Éviter les étirements brusques : travail lent, progressif et respiré.

Un bassin mobile, c’est un bassin stable._ _ Les kinés du sport insistent : la prévention passe autant par la souplesse que par la force.

Erreur n°5 : Reprendre trop vite après la douleur

C’est l’erreur la plus frustrante... et la plus coûteuse.
Beaucoup de joueurs arrêtent deux semaines, sentent une amélioration, puis rejouent. Le résultat est une rechute immédiate. Une pubalgie ne se “guérit” pas à court terme mais elle se rééduque.

Les protocoles modernes reposent sur trois phases progressives :

  1. Phase 1 – Repos relatif (sem. 1 à 3) : maintien de la condition (vélo, natation, aquajogging), et gestion de la douleur (cryothérapie).
  2. Phase 2 – Renforcement isométrique (sem. 3 à 7) : travail de gainage et d’adduction sans douleur.
  3. Phase 3 – Dynamique (sem. 7 à 12) : exercices excentriques, proprioception, et réintégration terrain.

Le retour au football se fait uniquement quand :

  • la douleur est nulle pendant l’effort,
  • la force des adducteurs est symétrique à 90%,
  • et le joueur supporte les changements de direction sans gêne.

⚠️ Reprendre trop tôt, c’est souvent repartir à zéro.

Erreur n°6 : Négliger la surface et la charge d’entraînement

Les statistiques sont sans appel : 64% des pubalgies surviennent dans la première moitié de saison.
Pourquoi ? Parce que les charges augmentent brutalement, souvent sur des terrains durs ou mal préparés.

Les variations soudaines de volume ou d’intensité, combinées à une fatigue musculaire, créent un cocktail explosif.
Les footballeurs élites utilisent aujourd’hui le suivi GPS, les questionnaires RPE (perception d’effort) et la charge hebdomadaire de travail pour anticiper les pics de risque.

➡️ À appliquer en club ou en amateur :

  • Surfaces souples privilégiées en reprise (pelouse naturelle > synthétique dur).
  • Augmentation de la charge < 15% par semaine.
  • Surveillance de la fatigue (sommeil, raideurs, ressenti post-séance).

La prévention passe aussi par la planification, pas seulement par le renforcement.

Erreur n°7 : Consulter trop tard ou mal orienter le diagnostic

Dernière erreur, et non des moindres : penser que la pubalgie est une simple douleur musculaire.
En réalité, ce terme regroupe plusieurs entités (adducteurs, paroi abdominale, pubis, hanche), définies précisément par le Consensus de Doha (2015).

Un diagnostic précis nécessite un examen clinique complet et souvent une IRM dédiée, qui est l’examen de référence pour identifier les atteintes des adducteurs ou de la symphyse.
Dans certains cas, l’échographie ou même l’arthro-scanner sont indispensables pour distinguer une pubalgie d’une hernie ou d’un conflit fémoro-acétabulaire.
Un diagnostic mal posé, c’est une rééducation mal ciblée... et des mois perdus.

➡️ Les bons réflexes :

  • Consulter un médecin du sport ou un kiné spécialisé en pathologies de l’aine.
  • Exiger un bilan d’imagerie complet avant toute reprise intensive.
  • Faire suivre le dossier par le même praticien jusqu’à la reprise complète.

Franco Mastantuono, un exemple de gestion prudente

Le 3 novembre 2025, le Real Madrid publie un communiqué médical laconique : « Franco Mastantuono souffre d’une pubalgie ».
Le jeune Argentin de 18 ans, révélation de la saison, doit déclarer forfait pour le choc de Ligue des Champions contre Liverpool.
Une blessure qui, au-delà du coup dur sportif, illustre tous les enjeux de la prévention et de la prise en charge moderne de cette pathologie.

Un contexte typique de surcharge

Depuis son arrivée à Madrid, Mastantuono enchaînait les matchs : 689 minutes jouées en un mois, pour un joueur encore en croissance musculaire.
Cette accumulation, combinée à l’intensité du haut niveau, a probablement favorisé un déséquilibre entre les adducteurs et la sangle abdominale (le facteur clé de la pubalgie).
Le club, conscient des risques de rechute, a choisi la voie conservatrice : pas de chirurgie immédiate, mais un programme de rééducation progressive avec renforcement isométrique et excentrique.

Ce choix s’inscrit pleinement dans les recommandations scientifiques récentes puisque 80 à 85% des cas guérissent sans chirurgie, avec un protocole bien conduit.
Le retour au sport après traitement conservateur atteint 95% de succès.

L’importance d’écouter son corps

Le cas Mastantuono rappelle que la pubalgie n’est pas une fatalité, mais une blessure de gestion.
Les jeunes talents, en centres de formation ou en post-formation, sont particulièrement vulnérables pendant les phases de croissance et les pics de charge.
Une évaluation régulière de la force des adducteurs, de la mobilité de hanche et du volume d’entraînement peut éviter la bascule vers la blessure chronique.

La pubalgie n’est pas une fatalité, mais une alarme.
Elle révèle souvent un déséquilibre installé depuis longtemps : trop d’intensité, pas assez de stabilité. Et si elle touche aussi bien les amateurs que les professionnels, c’est parce que les causes sont toujours les mêmes : surmenage, déséquilibre musculaire, et reprise trop rapide.

Le football exige vitesse, explosivité et répétition des efforts. Ces qualités sont précieuses, mais elles doivent reposer sur un socle solide : le bassin et la sangle abdominale. Quand ce socle se fragilise, la douleur s’installe, et avec elle, des semaines — parfois des mois — d’arrêt forcé.
Le joueur intelligent n’est pas celui qui joue malgré la douleur, mais celui qui sait quand lever le pied pour durer.