À quelle température faut-il arrêter de jouer au foot ?
L’été est une période charnière pour les footballeurs en quête de progression sans réel temps mort : stages, détections payantes, entraînements spécifiques... Mais sous le soleil, la température peut vite devenir un adversaire redoutable, en particulier pour les jeunes joueurs.
Les vagues de chaleur se multiplient, les indices UV atteignent des sommets, et les risques pour la santé deviennent réels.
Crampes, déshydratation, voire coup de chaleur : les dangers ne sont pas à prendre à la légère.
Face à cette réalité, une question émerge : à partir de quelle température faut-il adapter ou annuler un entraînement de football ? Et comment protéger efficacement les jeunes pratiquants face aux fortes chaleurs ?
Pourquoi la chaleur est-elle plus dangereuse pour les jeunes joueurs ?
La pratique du football expose naturellement le corps à une hausse de température interne. En été, cette élévation devient plus marquée, et les jeunes joueurs sont les premiers concernés. Leur organisme, encore en maturation, présente plusieurs particularités qui accentuent les risques en cas de forte chaleur.
Un système de thermorégulation encore immature
Contrairement aux adultes, les enfants et adolescents ont un rapport surface corporelle / masse plus élevé, ce qui augmente leur exposition aux échanges thermiques.
Si cela peut favoriser la dissipation de la chaleur par temps modéré, c’est un désavantage en période de canicule, car leur corps absorbe plus rapidement la chaleur ambiante.
En parallèle, leur capacité de sudation est réduite : ils transpirent moins, et donc refroidissent moins efficacement leur corps. En bref, la température interne grimpe plus vite, avec un risque accru de surchauffe.
Une acclimatation plus lente à la chaleur
L’adaptation physiologique à un environnement chaud nécessite plusieurs jours. Or, chez les jeunes, ce processus est moins rapide et moins efficace. Leur cœur, leurs glandes sudoripares et leur système vasculaire s’ajustent plus lentement, les rendant plus vulnérables aux stress thermiques soudains (comme une canicule précoce).
Une perception du danger moins développée
Les jeunes sportifs ont souvent du mal à reconnaître les signes avant-coureurs de déshydratation ou de surchauffe. Certains ignorent la fatigue, minimisent la soif, ou souhaitent continuer à jouer à tout prix. Cette tendance à "se surpasser" peut masquer les symptômes critiques et retarder l’intervention des adultes.
À retenir : les jeunes ne sont pas de "petits adultes" sur le plan physiologique. Leur sécurité en été impose des règles spécifiques de vigilance, de repos et d’adaptation de la pratique.
Températures et seuils critiques : quand faut-il adapter ou annuler ?
Le WBGT : l’indice de référence pour mesurer le danger
Le Wet Bulb Globe Temperature (ou WBGT) est l’indicateur le plus fiable pour mesurer la contrainte thermique sur le corps. Il intègre :
- la température de l’air,
- l'humidité relative,
- le rayonnement solaire direct,
- la vitesse du vent.
Cet indice est utilisé par la FIFA, la FIFPro et les agences de santé publique pour déterminer les seuils de danger en sport.
Voici les repères principaux pour une activité intense comme le football :
- WBGT < 23°C : pratique sans restriction, avec hydratation adaptée.
- WBGT entre 23°C et 28°C : vigilance renforcée, pauses fréquentes, réduction d’intensité.
- WBGT > 28°C : risque élevé, activité déconseillée voire annulée.
Des seuils à adapter selon l’humidité
À température égale, l’humidité fait toute la différence.
Par exemple :
- à 30°C et 30% d’humidité, le WBGT reste modéré.
- à 30°C et 60% d’humidité, il dépasse les seuils critiques.
Pourquoi ? Parce que l’évaporation de la sueur – principal moyen de refroidissement du corps – est entravée par l’air humide.
Comprendre le lien entre température, humidité et danger réel
Il est tentant de se baser uniquement sur la température affichée pour évaluer le risque... mais ce serait une erreur.
Une journée à 30°C peut être relativement supportable si l’air est sec et ventilé, mais devient dangereuse si l’humidité grimpe ou si le soleil tape fort.
Pour aider les parents, éducateurs et jeunes footballeurs à mieux estimer la zone de danger, voici un tableau synthétique reliant température, humidité et niveau de risque thermique estimé à travers l’indice WBGT :
### Équivalence approximative entre température de l’air, humidité et indice WBGT
Température de l'air (°C) | Humidité relative (%) | WBGT estimé | Niveau de risque |
---|---|---|---|
24°C | 30% | 19-20°C | Risque très faible, pratique normale |
25°C | 40% | 21-22°C | Risque faible, vigilance basique |
27°C | 50% | 24-25°C | Surveillance recommandée |
28°C | 40% | 25-26°C | Vigilance renforcée |
28°C | 60% | 27-28°C | Zone de danger : adaptations impératives |
30°C | 30% | 25-26°C | Risque modéré |
30°C | 60% | 28-29°C | Activité à limiter ou reporter |
32°C | 50% | 30°C | Danger : pauses fréquentes obligatoires |
33°C | 60% | 31-32°C | Risque sévère : entraînement déconseillé |
35°C | 40% | 30-31°C | Risque très élevé, sécurité compromise |
35°C | 60% | 32-34°C | Risque maximal : annulation impérative |
37°C | 50% | 34-35°C | Danger critique : aucune activité possible |
Ce tableau est basé sur des estimations pratiques courantes.
À partir d’un WBGT de 28°C, l’annulation des séances pour les jeunes est fortement conseillée. En l'absence de données WBGT locales, croiser température et humidité permet de prendre des décisions éclairées.
Au-delà de 33°C de température ambiante, le risque thermique devient élevé voire critique, même si l’humidité est faible.
Interpréter les données météo locales
Prenons un exemple concret. À Nanterre, par 27°C avec 47% d’humidité et un indice UV de 8, le stress thermique est déjà significatif. Si le vent est faible et le ciel dégagé, le WBGT frôle les 26-27°C. Cela impose donc :
- des pauses toutes les 15 à 20 minutes,
- une hydratation renforcée,
- des horaires aménagés (avant 10h ou après 18h),
- une surveillance renforcée des joueurs.
Astuce utile : certaines applis météo (comme Weather & Radar ou WBGT Calculator) intègrent déjà le calcul du WBGT pour anticiper les risques.
Signes d’alerte à repérer chez les jeunes joueurs
Même avec des précautions, l’exposition à la chaleur peut rapidement déstabiliser l’organisme.
Chez les jeunes, les signaux de détresse sont parfois discrets ou mal exprimés. D’où l’importance d’en connaître les principaux, pour agir sans délai.
Symptômes précoces à ne jamais négliger
Un jeune joueur en surchauffe ne va pas toujours dire “j’ai trop chaud”. Il faut observer attentivement les signes suivants :
- Fatigue inhabituelle, baisse de performance soudaine
- Maux de tête persistants
- Irritabilité, confusion légère, difficultés de concentration
- Pâleur ou rougeur excessive
- Transpiration abondante... ou absente (dans les cas les plus graves)
- Frissons ou chair de poule, malgré la chaleur
- Nausées, vertiges, envie de vomir
Comportements anormaux ou gestes inhabituels
Certains jeunes ne verbalisent rien, mais leurs gestes trahissent un mal-être :
- se tenir la tête, s’asseoir sans raison
- marcher lentement, traîner les pieds
- réagir lentement aux consignes
- se désintéresser soudainement du jeu
Ces signaux doivent alerter immédiatement les éducateurs. Il ne s’agit pas de fainéantise, mais souvent de manifestations physiologiques de l’épuisement thermique.
Reconnaître les signes d’un coup de chaleur (urgence vitale)
Le coup de chaleur est rare, mais il peut survenir brutalement.
Il s’agit d’une urgence absolue.
Les signes caractéristiques :
- Température corporelle > 39,5°C
- Absence totale de sueur
- Peau sèche, chaude au toucher
- Comportement incohérent ou perte de conscience
Réflexe vital :
- Mettre le joueur à l'ombre
- Le refroidir immédiatement (eau fraîche, vêtements mouillés)
- Appeler les secours (112)
Adapter les entraînements et matchs en période de chaleur
Quand la température grimpe, il ne s’agit pas toujours d’écourter un peu la séance. Il faut repenser entièrement l’organisation des entraînements et des matchs pour limiter les risques.
Voici les principales adaptations à mettre en place, en club comme en stage estival.
Choisir les bons créneaux horaires
La chaleur est plus intense entre 11h et 18h, surtout en présence de rayonnement direct.
Les horaires recommandés sont par conséquent :
- Avant 10h
- Après 18h30
Dans certains cas extrêmes (températures > 33°C), aucun créneau n’est sécurisé, même en soirée.
Réduire la durée et l’intensité
- Fractionner les séances en blocs courts (10-15 minutes maximum)
- Privilégier les jeux techniques ou tactiques peu exigeants physiquement
- Supprimer les efforts longs ou les séries sans pause
Exemple :
Une séance de 90 minutes peut être transformée en 3 blocs de 20 minutes avec 10 minutes de récupération entre chaque.
Intégrer des pauses fraîcheur obligatoires
Toutes les 15 à 20 minutes, prévoir une pause hydratation + récupération :
- boire de l’eau fraîche, sans attendre la sensation de soif
- se rafraîchir le visage, la nuque et les bras
- se placer à l’ombre ou sous un abri ventilé
En match, la Ligue de Football Professionnel (LFP) impose des pauses fraîcheur dès que le WBGT dépasse 28°C. Cette logique peut (et doit) être transposée aux jeunes.
Optimiser les conditions de jeu
- Utiliser un terrain enherbé si possible, car les surfaces synthétiques conservent plus de chaleur
- Créer des zones d’ombre à proximité du terrain
- Porter des tenues claires, légères et respirantes
- Éviter les chasubles trop épais
Le rôle de l’encadrant est central : il doit observer chaque joueur, imposer des pauses, ne pas hésiter à arrêter une séance si le moindre doute survient.
Stratégies d’hydratation et de nutrition en période de chaleur
L’eau est le premier "équipement de performance" d’un footballeur, surtout en été.
Une déshydratation de seulement 2% du poids corporel peut entraîner une baisse notable des capacités physiques et mentales. Chez les jeunes, les effets sont encore plus marqués. D’où l’importance d’une stratégie rigoureuse, avant, pendant et après l’effort.
Avant l’entraînement : s'hydrater de manière anticipée
L’hydratation ne commence pas au moment de chausser les crampons. Idéalement :
- boire 300 à 500 ml d’eau dans les 2 heures précédant l’effort.
- éviter les boissons sucrées ou gazeuses.
Astuce : une urine claire et abondante est un bon indicateur d’une hydratation adéquate.
Pendant l’effort : boire régulièrement, sans attendre la soif
La soif est un signal tardif. Il faut boire toutes les 15 à 20 minutes, même en l’absence de sensation de besoin.
Idéalement :
- de petites gorgées fréquentes (100 à 150 ml),
- de l'eau fraîche mais pas glacée (10 à 15°C).
En cas d’effort prolongé (plus d’une heure), l’idéal est d' :
- ajouter un peu de sucre (glucose) et de sel (sodium) dans la boisson,
- utiliser des solutions de réhydratation type boissons "sport".
Après l’effort : compenser les pertes
- Se peser avant et après la séance pour évaluer les pertes en eau.
- Reboire 1,5 fois le poids perdu (ex. : 1 kg perdu = 1,5 L à boire).
- Associer aliments riches en eau et électrolytes : fruits frais, légumes crus, soupe froide.
Attention aux pièges : éviter les sodas, jus sucrés, boissons énergisantes et thé glacé industriel. Ils accentuent parfois la déshydratation ou provoquent des troubles digestifs.
Préparer les corps : acclimatation à la chaleur
Face à une vague de chaleur, l’objectif n’est pas seulement de “tenir le coup”, mais de permettre au corps de s’y adapter progressivement.
Cette période d’ajustement, appelée acclimatation thermique, est indispensable pour réduire les risques et optimiser les performances.
Pourquoi acclimater les jeunes joueurs ?
L’acclimatation permet à l’organisme :
- d'améliorer la sudation : transpiration plus abondante et plus rapide,
- de stabiliser la température corporelle pendant l’effort,
- de réduire la fréquence cardiaque à intensité égale,
- de mieux conserver les sels minéraux (moins de crampes, meilleure endurance).
Ces effets sont particulièrement utiles chez les jeunes, dont la capacité à gérer la chaleur est naturellement plus faible.
Un protocole simple mais structuré
L’acclimatation prend 7 à 14 jours, selon l’âge et le niveau.
Voici les grandes étapes recommandées :
- Jours 1 à 3 : activité légère, < 45 minutes, tôt le matin ou en soirée.
- Jours 4 à 7 : augmentation progressive du volume (jusqu’à 60 minutes), pauses fréquentes.
- Jours 8 à 14 : reprise progressive d’exercices plus intenses, avec adaptation du rythme selon les signaux du corps.
Il est essentiel de ne pas brusquer cette montée en charge, surtout en cas de forte humidité ou d’exposition solaire prolongée.
Un suivi attentif pendant toute la période
Pendant l’acclimatation :
- surveiller les réactions individuelles : fatigue excessive, maux de tête, sueur absente = alerte.
- adapter au jour le jour selon la météo (vent, nuages, humidité).
- prévoir une alimentation et une hydratation optimisées (cf. partie précédente).
À noter : cette période ne remplace pas les précautions générales liées au WBGT. Même un joueur acclimaté reste vulnérable à des conditions extrêmes.
Parents, coachs : le thermomètre, c’est vous !
Face aux risques liés à la chaleur, les jeunes footballeurs ne peuvent pas être laissés seuls.
Leur perception du danger est encore en construction, et leur priorité reste souvent de "jouer coûte que coûte". D’où l’importance d’un encadrement actif, informé et réactif.
Former à la détection des signaux d’alerte
Parents, éducateurs et responsables de stage doivent être capables de repérer les signes abordés précédemment :
- Surveillance visuelle continue (rougeur, lenteur, gestes inhabituels…),
- Écoute des plaintes, même faibles ou floues (“j’ai un peu mal au ventre”, “j’ai la tête lourde”…),
- Réactivité immédiate en cas de doute (repos forcé, refroidissement, arrêt de la séance).
Adapter la charge, même en contexte compétitif
La tentation est grande de maintenir l’effort lors d’un match, d’un tournoi ou d’une détection importante. Pourtant, aucun enjeu ne justifie de compromettre la santé d’un enfant ou adolescent.
Un joueur en difficulté doit être sorti immédiatement, sans débat. Il pourra revenir uniquement si les signes ont disparu et si les conditions le permettent.
Établir un climat de confiance et de dialogue
Il est nécessaire de déculpabiliser les jeunes : sortir d’un terrain parce qu’il fait trop chaud, ce n’est ni un aveu de faiblesse, ni un manque de sérieux.
- Valoriser les bons comportements (demander une pause, s’hydrater seul, alerter un coach),
- Éviter les remarques dévalorisantes ("tu exagères", "allez, fais un effort..."),
- Mettre en place des routines collectives : pause fraîcheur commune, pesée, check visuel après chaque exercice.
Les clubs, écoles de foot et familles sont les premiers garants de la sécurité des jeunes sportifs, surtout face à un danger aussi silencieux que la chaleur.
La chaleur est un adversaire invisible, mais redoutable. Si elle fait partie de l’environnement estival du football, elle ne doit jamais être banalisée. Les études sont claires : au-delà de certains seuils, les risques pour la santé des jeunes joueurs deviennent majeurs.
Anticiper les conditions, comprendre l’indice WBGT, repérer les signaux de surchauffe, adapter les séances, renforcer l’hydratation... autant de réflexes simples, mais encore trop peu appliqués dans la réalité du terrain.
Jouer en été ne doit pas rimer avec danger.
Il appartient aux clubs, aux familles et aux encadrants d’instaurer une culture de la vigilance. Une culture qui place la santé avant la performance, l’écoute avant la pression, et la sécurité avant l’enjeu.
En période de canicule, le plus beau match est celui qu’on a su reporter.