Un ballon pour rêver, un ballon pour chuter : le vertige du Protoxyde d'Azote
Le protoxyde d'azote, souvent appelé « gaz hilarant » ou « ballon », est une drogue récréative de plus en plus populaire parmi les jeunes, y compris les footballeurs. Accessible facilement, ce gaz est détourné de ses usages culinaires pour être inhalé, procurant une euphorie brève mais trompeuse. Cette pratique a des conséquences dangereuses, de surcroit pour les sportifs.
Le protoxyde d'azote : une drogue répandue mal connue
Le protoxyde d'azote est un gaz fréquemment utilisé dans les hôpitaux comme anesthésiant, ou dans la cuisine pour les siphons à chantilly. Cependant, son accessibilité et ses effets rapides ont entraîné son détournement à des fins récréatives, notamment sous forme de « ballons » inhalés lors de soirées.
Lorsqu’il est inhalé, le protoxyde d'azote provoque une sensation de flottement et de rire incontrôlé pendant quelques dizaines de secondes, mais ses effets secondaires peuvent être graves, en particulier chez les jeunes sportifs et sportives dont le corps et le cerveau sont encore en développement.
L'escalade de la consommation : du ballon à la bonbonne
Si l’usage de petites cartouches de protoxyde d'azote reste le mode de consommation le plus courant chez les jeunes, certains passent rapidement à une consommation plus importante. Ces jeunes, en quête de sensations plus longues ou plus fortes, se tournent vers des "tanks", de grandes bonbonnes de protoxyde d'azote, capables de remplir plusieurs ballons à la fois. Ces réservoirs, facilement accessibles sur le marché noir, permettent d’inhaler des quantités plus importantes de gaz, augmentant ainsi considérablement les risques pour la santé.
Les risques pour la santé des footballeurs
Pour les footballeurs, notamment les jeunes, les conséquences d'une consommation régulière de protoxyde d'azote sont multiples et très préoccupantes.
Dommages neurologiques
Des études montrent que le protoxyde d'azote peut entraîner des lésions du système nerveux. Il interfère avec le métabolisme de la vitamine B12, et provoque des troubles neurologiques comme des engourdissements, des pertes de coordination, voire des paralysies.
L'étude Diagnostic et prise en charge des effets toxiques du protoxyde d’azote utilisé à des fins récréatives a montré une augmentation significative des cas de neuropathies (lésions nerveuses) liées à la consommation excessive de protoxyde d'azote. Ces lésions affectent directement les capacités motrices et la coordination, essentielles pour les sportifs.
De plus, une autre étude récente publiée dans le Neurology Journals, Nitrous Oxide Toxicity Mimicking Acute Neuropathy in Young Adult, a révélé que l'usage chronique de ce gaz peut entraîner des troubles cognitifs, notamment des difficultés de concentration, des pertes de mémoire et des problèmes d'attention.
Ces effets compromettent évidemment gravement la performance des joueurs sur le terrain, puisque la réactivité et la précision sont indispensables.
Dommages neuromusculaires (Paralysie)
« Tout mon côté droit était paralysé »
Comme en témoigne auprès du journal Le Parisien, Jean-Luc Da Silva Lopes, alias Dadi la Cité, ancien footballeur de haut niveau et influenceur marseillais, le protoxyde d'azote peut provoquer une paralysie temporaire : « Tout mon côté droit était paralysé ». Ce type de paralysie, connu sous le nom de paralysie de Bell, a également été documenté chez d'autres consommateurs réguliers de protoxyde d'azote. Cette paralysie affecte généralement un côté du visage, entraînant des difficultés à bouger les muscles faciaux, à fermer les paupières ou à sourire, des symptômes temporaires mais particulièrement préoccupants.
Risques d'asphyxie
L’inhalation de protoxyde d'azote présente un danger immédiat : l’asphyxie.
En remplaçant l’oxygène dans les poumons, le gaz peut entraîner une privation d’oxygène (hypoxie), causant vertiges, pertes de conscience et, dans certains cas, des décès.
Ce risque est particulièrement élevé lors d'inhalations répétées sans pause, où les utilisateurs peuvent s’effondrer ou s’étouffer en perdant connaissance. Bien que rare, l’asphyxie liée au protoxyde d'azote a déjà provoqué des** accidents mortels**.
Admissions aux urgences
Ces dernières années, l’inhalation récréative de protoxyde d'azote a conduit à une augmentation significative des admissions aux urgences en France. Selon le rapport Vigil'Anses de 2020, le nombre de signalements liés à l’usage de ce gaz est passé de 46 cas en 2019 à 134 cas en 2020, une augmentation de près de 200%. Ces cas concernent majoritairement des jeunes âgés de 20 à 25 ans, avec une proportion de mineurs en hausse, représentant désormais 20% des signalements.
Les conséquences sur la santé sont préoccupantes : environ 76% des utilisateurs ont présenté des symptômes neurologiques graves, tels que des engourdissements, des troubles moteurs et sensoriels, voire des atteintes à la moelle épinière. Ces cas graves, parfois irréversibles, nécessitent souvent une hospitalisation prolongée et des traitements de rééducation neurologique. Parmi les cas les plus sévères, 12,7% ont été classés comme de haute gravité, certains patients souffrant de convulsions ou de paralysies temporaires.
En 2021, l’utilisation des "tanks", ou bonbonnes de grande capacité, a également explosé. Ce phénomène accentue le risque de séquelles neurologiques à long terme, comme la dégénérescence subaiguë de la moelle épinière, observée dans plusieurs cas confirmés par imagerie par résonance magnétique (IRM).
Le protoxyde d'azote : un fléau qui touche aussi les professionnels
Le protoxyde d'azote ne concerne pas uniquement les jeunes amateurs. En 2018, un scandale a éclaté lorsqu’une vidéo a révélé plusieurs joueurs d’Arsenal, dont Alexandre Lacazette et Pierre-Emerick Aubameyang, en train de consommer du protoxyde d'azote lors d’une soirée privée. Cet incident a choqué le monde du football, en montrant que même des joueurs de haut niveau, au sommet de leur carrière, peuvent être attirés par cette drogue en apparence inoffensive.
Yves Bissouma, milieu de terrain international, a partagé sur ses réseaux sociaux des vidéos où il inhalait ce gaz. Face à la polémique qui a suivi, Bissouma a rapidement présenté des excuses publiques et pris ses responsabilités, reconnaissant l'impact négatif de son comportement.
Si ces "récréations" n'ont pas eu de conséquences immédiates sur leur performance, elles ont mis en lumière une réalité troublante : la banalisation de cette pratique dans l'élite du football. Pour les clubs professionnels, l’enjeu dépasse la simple image publique : il en va de la santé et des performances de leurs joueurs. La mise en place de mesures strictes de sensibilisation et de prévention est indispensable. Les clubs doivent non seulement encadrer leurs jeunes recrues, mais aussi s'assurer que les joueurs confirmés comprennent les risques à long terme de la consommation de ce gaz.
Pourquoi les jeunes footballeurs sont-ils attirés par le protoxyde d'azote ?
Plusieurs facteurs expliquent l’attraction des jeunes footballeurs pour le protoxyde d'azote :
- Facilité d'accès : les cartouches de protoxyde d'azote sont vendues librement dans les supermarchés et en ligne, souvent sans restriction d’âge, ce qui rend leur acquisition simple et peu coûteuse.
- Effet de groupe : lors des soirées, l’usage des « ballons » est devenu une pratique courante, particulièrement chez les jeunes. Des lieux isolés servent de refuges où les jeunes consomment à l'abri des regards.
- Illusion d’innocuité : le protoxyde d'azote n'est souvent pas perçu comme une drogue « dure » par beaucoup de jeunes, qui le considèrent à tort comme inoffensif. Cependant, comme l’a souligné Jean-Luc Da Silva Lopes, « l'euphorie facile des ballons n’est qu’une illusion », et les conséquences peuvent être graves.
Dans l’épisode "Derrière ses troubles mystérieux, le secret d'une jeune fille de 20 ans" de l'excellent podcast Symptômes_ _(RTL), disponible sur Spotify, le docteur Walid Mekeddem raconte l’histoire d’une jeune patiente souffrant de troubles neurologiques mystérieux. Derrière cette consultation complexe, le médecin découvre que les symptômes de cette jeune fille de 20 ans, comme des troubles de l'équilibre et une perte de sensibilité dans les jambes, sont liés à l’usage récréatif de protoxyde d'azote. Cet épisode met bien en lumière la difficulté pour les patients, souvent jeunes, à parler de leur consommation de "proto", par pudeur ou honte.
Prévention et sensibilisation
Il est essentiel que les clubs de football, les parents et les éducateurs prennent conscience des dangers liés à la consommation de protoxyde d'azote et agissent pour sensibiliser les jeunes joueurs.
Voici quelques mesures efficaces :
- Ateliers de prévention : les clubs peuvent organiser des séances d'information sur les risques des substances psychoactives. Inviter des experts de la santé ou des anciens joueurs victimes de cette addiction peut avoir un impact fort.
- Encourager des activités alternatives : il est crucial de proposer aux jeunes des moyens sains de gérer le stress et la pression, que ce soit à travers des séances de méditation, des activités physiques ou des discussions encadrées avec des professionnels du sport.
- Utilisation des réseaux sociaux à bon escient : les réseaux sociaux peuvent être un outil puissant pour toucher les jeunes et les sensibiliser. L’histoire de Jean-Luc Da Silva Lopes a, par exemple, généré des millions de vues sur TikTok, et a ouvert un débat nécessaire sur les risques du protoxyde d'azote.
Le protoxyde d'azote est perçu à tort comme une drogue légère, et son accessibilité en fait une véritable menace pour les jeunes, notamment dans le milieu du football. La banalisation de son usage, que ce soit dans les quartiers ou même parmi les professionnels, révèle l’ampleur du problème. Les clubs de football, les familles et les éducateurs doivent unir leurs efforts pour prévenir l’utilisation de cette substance. Sensibilisation, actions concrètes de prévention et campagnes d’information sont essentielles pour empêcher que ces pratiques ne se généralisent et n’entraînent des conséquences irréversibles sur la santé des jeunes.
L'usage récréatif du protoxyde d'azote ne doit pas être pris à la légère. Les risques neurologiques et cognitifs, déjà bien documentés, doivent alerter tous les acteurs du football. La meilleure défense contre ce phénomène est l’éducation et la vigilance. Il est temps de siffler la fin de la partie pour cette pratique dangereuse avant qu'elle n'engloutisse trop de rêves.