Paris sportifs : une manne pour financer le sport en France ?
Le financement du sport en France traverse une période de tensions.
Alors que les besoins en infrastructures, éducateurs et aides aux familles augmentent, les budgets publics alloués au secteur sont en constante diminution.
Face Ă cette situation, la nouvelle ministre des Sports, Marie Barsacq, propose une solution qui ne lui a pas pris trop de temps (de cerveau) : augmenter les taxes issues des paris sportifs, autrement dit : aller chercher l'argent lĂ oĂč il est. đ€
« Cela permettrait de donner au sport des moyens dâaccueillir de nouveaux licenciĂ©s pour vĂ©ritablement faire de la France une nation sportive » - Marie Barsacq, ministre des Sports
Le sport en France : une crise budgétaire qui ne finit pas !
Depuis plusieurs annĂ©es, le financement public dĂ©diĂ© au sport en France subit des rĂ©ductions significatives, et amĂšne des tensions dans lâensemble du secteur.
En 2024, le budget gĂ©nĂ©ral de lâĂtat consacrĂ© au sport a diminuĂ© de 180 millions dâeuros, un recul particuliĂšrement prĂ©occupant pour les acteurs locaux, qui dĂ©pendent de ces fonds pour assurer la pĂ©rennitĂ© de leurs structures.
Lâimpact de ces coupes budgĂ©taires se fait lourdement ressentir :
- sur les clubs sportifs : les clubs, notamment amateurs, qui voient leurs ressources diminuer, ce qui leur complique lâaccĂšs Ă des Ă©quipements de qualitĂ© et Ă un encadrement suffisant. Par exemple, le gel du financement du plan de recrutement de 1 000 Ă©ducateurs sportifs et sociaux, initialement prĂ©vu en 2023, a laissĂ© de nombreuses associations sans moyens humains pour encadrer leurs adhĂ©rents ;
- sur les infrastructures : les collectivitĂ©s locales, principales gestionnaires des installations sportives, peinent Ă moderniser ou Ă construire de nouvelles infrastructures. Ce retard dans les Ă©quipements limite lâaccĂšs Ă la pratique sportive dans certaines zones, en particulier dans les quartiers prioritaires et les zones rurales.
- sur les dispositifs d'aide aux familles : le PassâSport, une aide de 50 euros par enfant pour la prise de licence, est passĂ© de 85 millions dâeuros en 2024 Ă 74,5 millions dâeuros en 2025. Cette baisse risque dâaggraver le recul du nombre de licenciĂ©s, dĂ©jĂ affectĂ© par les difficultĂ©s Ă©conomiques de nombreuses familles.
« Seule une dotation budgétaire globale et stabilisée à un haut niveau permettra de mener une politique continue en faveur du sport. » - Joël Bruneau, député du Calvados
Ces propos rappellent bien la nécessité de repenser en profondeur le financement du sport en France pour garantir son développement et son accessibilité à tous.
Les paris sportifs : l'opportunitĂ© Ă©conomique qui ne se cache plus ! đ«Ł
Face à cette crise budgétaire, le secteur des paris sportifs apparaßt comme une manne financiÚre potentielle et énorme pour pallier le manque de moyens.
En 2023, les jeux dâargent et de hasard, dont font partie les paris sportifs, ont gĂ©nĂ©rĂ© pas moins de 7 milliards dâeuros de recettes fiscales. Une performance portĂ©e par un marchĂ© en pleine croissance, et qui attire chaque annĂ©e davantage de joueurs.
Actuellement, les opérateurs de paris sportifs sont soumis à une fiscalité spécifique. Leur produit brut des jeux (PBJ), correspondant à la différence entre les mises collectées et les gains reversés aux joueurs, est taxé à hauteur de 45% (ce qui est déjà beaucoup !).
Cependant, seule une petite partie de ces recettes est dĂ©diĂ©e au sport. đ
En 2024, lâAgence Nationale du Sport (ANS), le bras armĂ© de lâĂtat pour le dĂ©veloppement des politiques sportives, a reçu 146 millions d'euros provenant de cette fiscalitĂ©.
Marie Barsacq, ministre des Sports, plaide pour une augmentation significative de cette enveloppe.
« Le secteur des paris sportifs se porte trĂšs bien Ă©conomiquement. Il est lĂ©gitime quâil contribue davantage Ă la politique sportive », a-t-elle dĂ©clarĂ© au Parisien
Elle souhaite ainsi exploiter ce dynamisme pour financer des projets dâenvergure, et rĂ©pondre aux nĂ©cessitĂ©s des clubs et des collectivitĂ©s locales.
Il va s'en dire que cette proposition nâest pas nouvelle et ne sort pas d'un chapeau. đ
En 2024, lors des dĂ©bats autour du projet de loi de finances, des amendements visant Ă augmenter les taxes sur les paris sportifs avaient Ă©tĂ© adoptĂ©s par lâAssemblĂ©e nationale et le SĂ©nat, et laissaient espĂ©rer une contribution allant jusquâĂ 213,8 millions dâeuros affectĂ©s Ă lâANS.
Mais ces initiatives ont Ă©tĂ© bloquĂ©es par la censure du gouvernement đ«, laissant le secteur sportif et bet ML dans lâexpectative la plus totale.
Des projets trĂšs concrets Ă financer !
Si la proposition de Marie Barsacq venait à aboutir, les recettes supplémentaires issues des taxes sur les paris sportifs seraient orientées vers plusieurs projets prioritaires, afin de répondre enfin à des besoins concrets du secteur sportif français.
Ces initiatives visent à démocratiser l'accÚs au sport et à renforcer ses infrastructures et ses encadrements.
Le Plan Génération 2024 et ses infrastructures pour tous !
On est en 2025 đ„ł mais le plan GĂ©nĂ©ration 2024, dĂ©jĂ en cours, prĂ©voit dĂ©jĂ la crĂ©ation de 5 000 Ă©quipements sportifs de proximitĂ© dâici Ă 2026.
Ces installations ciblent en prioritĂ© les quartiers dĂ©favorisĂ©s et les zones rurales, et sont essentielles pour offrir Ă chacun lâopportunitĂ© de pratiquer une activitĂ© sportive.
MalgrĂ© les intentions, le manque de financements menace lâavancĂ©e de ce projet, que lâĂtat avait comme souvent promis de soutenir Ă hauteur de 100 millions dâeuros par an pendant trois ans.
Le maintien du Pass'Sport pour les familles modestes
Le Pass'Sport, ce dispositif destinĂ© Ă aider les jeunes issus de familles Ă faibles revenus Ă sâinscrire dans un club, a Ă©tĂ© fragilisĂ© par des coupes budgĂ©taires.
En 2025, son financement a chutĂ© de 85 millions Ă 74,5 millions dâeuros, et son maintien est menacĂ© pour les annĂ©es Ă venir.
Les taxes supplémentaires issues des paris sportifs permettraient non seulement de stabiliser ce dispositif, mais aussi de le renforcer, afin de garantir un accÚs équitable au sport pour tous.
Relancer le recrutement d'Ă©ducateurs sportifs
Le plan initial de recrutement et de formation de 1 000 éducateurs sportifs et sociaux, lancé en 2023, a été gelé dÚs 2024 en raison de la baisse des financements.
Pourtant, les clubs amateurs manquent cruellement dâencadrement pour accueillir les jeunes licenciĂ©s.
Les nouveaux fonds permettraient de redynamiser ce programme, qui est pour le moins essentiel pour la garantie d'un accompagnement de qualité dans les structures locales.
La prĂ©paration des athlĂštes pour les JO d'hiver 2030 â·ïž
Les Jeux olympiques et paralympiques dâhiver de 2030 sont Ă©galement un enjeu stratĂ©gique pour la France.
Marie Barsacq estime que des ressources supplĂ©mentaires sont nĂ©cessaires pour placer les athlĂštes dans les meilleures conditions dĂšs aujourdâhui.
« Il faut anticiper et investir rapidement pour garantir des performances à la hauteur de nos ambitions »
Des fonds pour transformer à ses racines le paysage sportif français
Au-delà de ces grandes initiatives, ces financements toucheraient directement la base du sport français.
Les clubs locaux, souvent dépendants de bénévoles et disposant de moyens limités, bénéficieraient de nouveaux outils pour accueillir et fidéliser leurs licenciés, en particulier dans les zones sous-équipées.
Des controverses politiques et sociales persistantes
LâidĂ©e de rediriger davantage les taxes des paris sportifs vers le financement du sport divise profondĂ©ment, tant sur le plan politique que social.
Si certains y voient une opportunité, d'autres soulignent des limites et des risques majeurs.
Une question politique de priorités budgétaires
Le principal obstacle Ă cette proposition rĂ©side dans la position du ministĂšre des Finances, qui sâoppose Ă une augmentation des taxes dĂ©diĂ©es.
Ce dernier plaide pour une affectation directe des fonds via le budget général, et estime que les taxes spécifiques nuisent à la stabilité financiÚre.
Cette position est appuyée par le Conseil des PrélÚvements Obligatoires (CPO), qui a récemment déclaré :
« Lâaffectation de taxes spĂ©cifiques Ă des politiques sectorielles devrait ĂȘtre remplacĂ©e par une dotation globale, stabilisĂ©e Ă un haut niveau. »
Pour ces instances, une rĂ©forme de ce type risquerait de fragiliser la gestion des finances publiques. Il est clair qu'actuellement elles ne le sont pas dĂ©jĂ ! đ
Les risques liĂ©s aux jeux dâargent et de hasard
Les paris sportifs posent des problĂšmes sociaux.
En 2023, 6% des joueurs ont été identifiés comme ayant une pratique problématique, engendrant des conséquences graves comme l'addiction.
Une part significative des revenus des paris provient de joueurs compulsifs, pour qui le jeu devient une source de difficultés financiÚres et psychologiques.
De nombreuses campagnes promotionnelles, souvent agressives, sâadressent Ă un public relativement jeune, et augmentent les risques dâaddiction prĂ©coce.
Pour contrer ces effets néfastes, le CPO propose de taxer les dépenses publicitaires des opérateurs, jugées « excessives » et visant trop fréquemment les populations vulnérables.
En 2024, le gouvernement avait suggéré une nouvelle contribution de 15% sur ces dépenses, mais cette mesure reste en suspens.
Une question dâĂ©thique : les paris sportifs doivent-ils financer le sport ?
Certains acteurs du sport sâinterrogent Ă©galement sur lâĂ©thique de financer des initiatives sportives grĂące aux paris, une activitĂ© associĂ©e Ă des risques pour la santĂ© publique.
« LâĂtat doit sâassurer que lâaugmentation des taxes ne contribue pas Ă promouvoir des pratiques addictives »
La taxation des paris sportifs ne doit pas ĂȘtre perçue comme une solution miracle, mais aussi comme un levier actionnable mais nĂ©cessitant un encadrement rigoureux.
La proposition de Marie Barsacq dâaugmenter les taxes issues des paris sportifs pour financer le sport en France sâinscrit dans un contexte de besoin urgent de ressources supplĂ©mentaires pour les clubs, les infrastructures et les dispositifs sociaux comme le PassâSport. Cette mesure, si elle venait Ă ĂȘtre adoptĂ©e, pourrait sans doute amĂ©liorer un peu le paysage sportif français avec des moyens concrets pour dĂ©mocratiser l'accĂšs Ă la pratique sportive.
Cependant, le chemin vers sa mise en Ćuvre reste semĂ© dâembĂ»ches. Entre les rĂ©ticences du ministĂšre des Finances, les avertissements du CPO et les enjeux Ă©thiques liĂ©s aux jeux dâargent, cette proposition soulĂšve des dĂ©bats fondamentaux sur la façon dont la France veut financer son modĂšle sportif.
Sâil est certain que les paris sportifs offrent un potentiel Ă©conomique Ă©vident, leur exploitation comme levier financier nĂ©cessite un cadre rigoureux pour limiter les risques sociaux et garantir un impact positif.
Reste à voir si la ministre des Sports réussira à convaincre les différents acteurs politiques et économiques de miser sur ce pari pour le futur du sport français.