Éclat de joie ou éclat de haine ? Le choix du supporter !
Le football, ce n’est pas juste un jeu : c’est une grande réunion où on vient pour vibrer, pour rire, pour crier un peu trop fort, bref, pour partager quelque chose d’unique. Mais voilà, là où la passion devrait être l'invitée principale, des comportements antisémites viennent parfois troubler l’ambiance, laissant un arrière-goût amer. Dans cette grande fête du football, chaque supporter doit choisir son rôle : éclat de joie ou éclat de haine ? Il n’y a qu’un rôle qui honore vraiment l’esprit du sport.
Les événements récents nous rappellent malheureusement que ce choix n'est pas toujours fait dans le bon sens.
Des incidents récents qui interpellent
L’année 2024 a été marquée par plusieurs événements tragiques et révélateurs de la persistance de l’antisémitisme dans les stades européens.
Il y a quelques jours, à Amsterdam, des supporters israéliens du Maccabi Tel Aviv ont été attaqués violemment après un match contre l'Ajax Amsterdam, ce qui a donné lieu à des condamnations internationales et accentué les tensions diplomatiques entre les Pays-Bas et Israël.
Bien qu’une grande majorité de supporters de l’Ajax ait dénoncé ces actes, les images de l’attaque ont fait le tour des médias, et ont rappelé - si cela était nécessaire - que le racisme et l'antisémitisme n’ont pas quitté les stades.
En Italie, les supporters de la Lazio de Rome sont également impliqués dans des comportements antisémites récurrents, notamment en déployant des banderoles et en scandant des chants offensants lors de certains matchs. Ce comportement a conduit l’UEFA à sanctionner le club à plusieurs reprises, afin de contenir et éduquer les supporters.
Ces incidents ne sont malheureusement pas isolés, et ils sont souvent le reflet de troubles qui traversent la société européenne, où les comportements haineux se manifestent dans les stades, profitant de la ferveur collective pour échapper temporairement aux limites de la décence sociale.
Pour comprendre ces comportements, il est essentiel de replacer l’antisémitisme dans les stades dans son contexte historique et sociologique.
L'antisémitisme dans les stades : un problème aux racines profondes
L'histoire d'une haine qui persiste
L’antisémitisme dans le sport et notamment dans le football remonte à des décennies. En Europe, des clubs comme l’Ajax Amsterdam et le Tottenham Hotspur en Angleterre sont associés historiquement aux communautés juives en raison de leur localisation et de la composition de leur base de supporters dans les années 20 et 30. Cette association a conduit certaines équipes adverses à utiliser des insultes antisémites pour déstabiliser les supporters et créer des rivalités artificielles, un phénomène qui, malheureusement, a traversé les générations.
Selon l'étude "Jewish People’s Experiences and Perceptions of Antisemitism" de l'European Union Agency for Fundamental Rights (FRA), les actes antisémites sont en augmentation dans de nombreux pays européens, et les stades sont devenus un espace où cette haine s’exprime de manière directe et collective. En 2022, la FRA a révélé que près de 90 % des personnes juives interrogées considéraient l'antisémitisme comme un problème sérieux dans leur pays, un chiffre qui se traduit dans les incidents observés lors des matchs de football.
Les répercussions sociétales et géopolitiques
L'impact sur la cohésion sociale
Les comportements antisémites dans les stades n'affectent pas seulement les communautés juives ; ils créent un climat de division qui se répercute dans l’ensemble de la société. La normalisation de ces discours et comportements dans les stades peut influencer le climat social en dehors, renforcer les stéréotypes et alimenter la méfiance. Le stade devient alors un espace où la haine est tolérée, voire acceptée, ce qui entraîne une dégradation de la cohésion sociale.
John Drury dans "The role of social identity processes in mass emergency behaviour: An integrative review" explique sur le comportement de groupe que les environnements de masse peuvent renforcer les préjugés en les transformant en actions collectives sous l’effet de l’anonymat et de l’émotion. Les supporters de football, soumis à des pressions de groupe, peuvent ainsi être poussés à des comportements qu’ils n’adopteraient pas individuellement.
La foule, un terrain fertile pour la manipulation politique
Les stades de football, où se rassemblent des milliers de personnes animées par des émotions intenses, sont souvent des lieux propices à l’influence politique.
"Les foules sont incapables d'avoir des opinions quelconques en dehors de celles qui leur sont imposées." - Gustave Le Bon
Dans ce contexte, certains partis ou mouvements politiques peuvent exploiter cette malléabilité pour diffuser des messages haineux ou identitaires, parfois de manière subtile (ou pas du tout), en profitant des leaders d'opinion au sein des tribunes ou des ultras pour imposer leurs idéaux à une foule réceptive. Des slogans ou des chants à connotation antisémite peuvent ainsi être introduits et répétés, et cela créé - par amplification - un climat de haine qui dépasse le simple cadre sportif. Nous en sommes sans doute là en France, comme dans d'autres pays d'Europe.
Cette stratégie permet aux acteurs politiques de gagner de la visibilité et de rallier à leur cause des individus qui, dans un autre contexte, ne partageraient pas ces opinions.
En manipulant la foule par des discours simples et des symboles, ces partis exploitent la force de la masse pour transformer le stade en un terrain de propagande, servant des intérêts qui vont bien au-delà du sport.
Des tensions diplomatiques
Les comportements antisémites dans les stades peuvent aussi avoir des conséquences diplomatiques. L’attaque des supporters israéliens à Amsterdam a engendré des échanges tendus entre les gouvernements néerlandais et israélien, les représentants israéliens demandant des mesures pour assurer la sécurité de leurs ressortissants dans les compétitions internationales. De même, la situation sécuritaire en Israël a obligé l'équipe nationale à délocaliser ses matchs à domicile à l'étranger pour des raisons de sécurité, une contrainte qui reflète l’impact géopolitique de ces incidents.
Ces exemples montrent que le sport, bien qu'un espace de loisirs, a un impact direct sur les relations internationales.
Les actions pour un football sans haine
Sanctions et prévention : des mesures essentielles
Face à ces défis, l’UEFA et la FIFA, ainsi que les ligues nationales, ont pris des mesures pour lutter contre l'antisémitisme dans les stades.
Les sanctions financières et les huis clos partiels sont des outils fréquemment utilisés pour responsabiliser les clubs et dissuader les supporters de céder aux discours haineux. En Italie, des campagnes de sensibilisation ont également été lancées pour prévenir les comportements haineux, avec des affiches et des annonces rappelant les valeurs de respect et de tolérance.
Lancé en 2008, le programme "Respect" de l'UEFA, ainsi que les campagnes de sensibilisation menées lors des finales de compétitions majeures comme la Champions League, l’Europa League et l'Euro, illustrent l'engagement des grandes instances du football à promouvoir la tolérance et à lutter contre toutes les formes de discrimination dans les stades.
Sensibiliser dès le plus jeune âge
L’éducation et la prévention dès le plus jeune âge sont indispensables pour enrayer ce fléau. Des associations comme la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme) et SOS Racisme travaillent avec des clubs pour sensibiliser les jeunes aux dangers de l’antisémitisme et des autres formes de discrimination. L’objectif est de faire comprendre aux jeunes générations de supporters et de joueurs que le respect est une valeur fondamentale du sport, et que le stade doit rester un lieu de rassemblement, non de division.
"Le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d'unir les gens d'une manière que peu d'autres choses peuvent faire." - Nelson Mandela
Le pouvoir de transformer le football est entre les mains de chaque supporter. En choisissant l'éclat de joie plutôt que celui de la haine, chaque supporter contribue à créer un stade qui honore l’esprit du sport, où les différences enrichissent au lieu de diviser.
Le football, parce qu’il est universel, peut devenir un modèle d’inclusion et de respect, un lieu où la passion n’a pas besoin de haine pour s’exprimer.
Un football sans haine est un football qui fait honneur à sa vocation universelle, rassemblant les peuples pour un moment de joie partagée.